Conférence Montpellier EAT/FF2P – Mars 2011
1 – Introduction
J’ai débuté ma pratique de thérapeute avec une formation aux approches reichiennes et à la bioénergie.
C’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’intéresser à l’impact de la naissance sur notre devenir en tant qu’être humain. Je constatais assez souvent que des patients vivaient des expériences qui n’étaient pas identifiables autrement.
Et je me souviens très bien combien le silence autour de la naissance dans le milieu thérapeutique, à l’époque, me semblait étrange. Je me disais que notre naissance était l’expérience la plus importante de notre vie, même si nous n’en avions aucun souvenir conscient et que ça devait forcément laisser des traces quelque part.
Et à titre personnel, j’ai de bonnes raisons de m’être intéressée à ce thème. Ma propre naissance fut très difficile et on peut dire que je suis une « miraculée ». Travail très long et douloureux pour ma mère, naissance aux forceps, presque laissée pour morte, je n’ai respiré qu’au bout de 20 minutes. Naissance à la maison sans équipement médical non pas parce que mes parents étaient adeptes des méthodes naturelles mais parce qu’à l’époque, c’était comme ça. J’ai pu retraverser ce moment à plusieurs reprises dans mon cheminement thérapeutique et j’ai vu combien cette arrivée dans le monde, dans ces conditions-là, a été déterminante d’une manière d’appréhender la vie.
Au moment de la naissance de mes enfants, le deuxième en particulier, les circonstances m’ont fait apparaître ensuite, combien ce qu’ils e passe à ce moment-là peut affecter le développement physique et psychique d’un petit d’homme.
J’ai beaucoup cherché et quand j’ai découvert les travaux de Grof, évidemment, ses travaux m’ont tout de suite parlé, à la fois sur le plan théorique et sur le plan clinique. Je suis donc allée me former aux Etats Unis pendant plusieurs années, assez régulièrement. Et maintenant, à mon tour, je forme des thérapeutes à la psychothérapie transpersonnelle ainsi qu’à l’outil de la Respiration Holotropique.[1]
2 – Les Etats Elargis de Conscience et leur potentiel de guérison
On parle souvent d’états modifiés de conscience (EMC) ou états altérés de conscience (EAC) mais je préfère parler d’états non-ordinaires de conscience (ENOC), ou d’états de conscience holotropiques, comme Grof les nomme maintenant ou encore d’états élargis de conscience car cela rend mieux compte de l’espace d’exploration qui s’ouvre dans ce travail.
Pourquoi chercher à modifier son niveau de conscience ?
Tout d’abord parce que c’est un besoin intérieur inhérent à chacun de nous.
Et sur un plan thérapeutique, parce que nous pouvons, ainsi, accéder assez facilement et rapidement à ces couches profondes de notre inconscient et activer le potentiel de guérison qu’il recèle.
Suite aux travaux de Jung, d’Assagioli, de Maslow et de Grof notamment, on en venu à considérer que l’inconscient n’est pas seulement le lieu de stockage de tous nos matériaux refoulés mais aussi, un réservoir de ressources précieuses si nous pouvons les éveiller. Et le propre du travail en EEC, c’est bien cela. Grof décrit cela comme un radar, une sonde qui descendrait dans les profondeurs de la psyché et qui amènerait à la conscience le matériau le plus utile, le plus disponible à ce moment précis.
Stanislav Grof a beaucoup étudié les processus de guérison de différentes sociétés traditionnelles ou communautés, notamment les cultures chamaniques. Et il s’est rendu compte que, dans leur grande majorité, ces processus, ces rituels étaient liés à des expériences de modification de l’état de conscience, par toutes sortes de moyens différents, mais parfois, entre autres, le souffle et la musique, qui sont à la base de la Respiration Holotropique.
Ce qu’il faut bien comprendre, avec la Respiration Holotropique ou toute autre technique basée sur l’utilisation thérapeutique des EEC, c’est que ce n’est pas la technique qui crée l’expérience intérieure vécue par le sujet. L’EEC agit comme un catalyseur, un amplificateur qui vient mettre en lumière quelque chose qui était déjà là, mais pas nécessairement consciemment.
Dans le processus mis en œuvre avec la Respiration Holotropique, au bout d’un moment ou parfois très rapidement, une porte s’ouvre et nous met en contact avec une expérience psychologique, émotionnelle, corporelle, spirituelle… et le patient est invité à s’abandonner complètement à ce qui se présente, en toute confiance. Si c’est « ça » qui se manifeste à cet instant-là, c’est que « ça » a ses raisons. Quand on est dans un EEC, on est beaucoup plus ouvert et réceptif, disponible, pourrait-on dire, et on est en relation avec des niveaux de notre être qui sont source de guérison. Pour Grof, les ENOC sont de par leur nature-même, des expériences de guérison.
Je dirais plutôt qu’ils présentent une opportunité pour la guérison et ce, pour plusieurs raisons :
- 1) On peut vivre des expériences nourricières qui vont apporter des ressources positives sur lesquelles la personne va pouvoir ensuite s’appuyer dans son processus d’évolution ou des expériences de nettoyage, qui elles, nous libèrent de souffrances engrammées.
- 2) C’est une expérience qui se passe dans le corps et engage la totalité de l’être. Elle peut être parfois très cathartique et libératrice, ou très tranquille mais toujours intensément vécue dans le corps et dans un corps où le niveau énergétique, grâce au processus mis en œuvre peut être très élevé et de ce fait, toute cette énergie est mise au service du processus thérapeutique
- 3) C’est l’occasion de vivre un processus profondément réparateur. Avec la RH, nous touchons souvent des situations périnatales ou des épisodes très archaïques. Des endroits de l’histoire de la personne où elle a été très blessée, très traumatisée. Et c’est pour cela que son processus la ramène précisément à cet endroit, où quelque chose d’elle a été comme gelé. Mais la libération cathartique, même si elle soulage réellement la personne puisqu’elle permet à cette énergie bloquée de s’exprimer, se fluidifier et que ceci est pleinement vécu sans rétention, ne suffirait pas. Une dimension très importante de ce travail est liée au fait que pendant tout ce temps, cette personne va être accompagnée de façon engagée, impliquée, sensible et qu’on va lui fournir cette opportunité de réparation de l’expérience traumatisante en lui donnant ce qu’à l’époque, elle n’a pas reçu. Si, par exemple, elle vient de vivre son arrivée dans ce monde dans un milieu froid et non accueillant, figé dans les problèmes techniques, elle va avoir besoin d’éprouver l’accueil dans des bras bienveillants, d’entendre des petits mots doux, des mots d’accueil, des mots qui lui permettent de sentir qu’elle est accueillie et reconnue comme un être unique et magnifique. On va lui donner de l’amour, de l’amour qu’elle va recevoir de façon tangible dans son corps et qui va mettre une autre inscription à la place ou à côté de celle du traumatisme. Et cela pendant tout le temps qui lui est nécessaire.
Parfois, il ne s’agit pas de manque à combler mais de perte à reconnaître et accompagner. Mais de la même façon, la catharsis va déboucher sur un état de relâchement, d’apaisement et souvent de bien-être profond, voire de béatitude. - 4) L’expérience holotropique nous met dans une certaine porosité qui nous permet d’enregistrer à un niveau quasi cellulaire les énergies, les informations que l’on reçoit, notamment ce soutien, cette bienveillance, cet amour inconditionnel.
- 5) L’accès à des informations non conscientes, que ce soit des problèmes ou des « solutions », donc une source de connaissance sur soi, est très précieux. C’est d’ailleurs pour cela que je préfère le terme EEC, car il laisse entendre qu’on ne perd pas la conscience habituelle, mais qu’il y a une ouverture, un état de conscience plus vaste qui ouvre de nouveaux espaces et nous permet de sentir des choses nouvelles ou d’une façon totalement nouvelle. Dans une psychothérapie transpersonnelle, la guérison n’est pas équivalente à la cessation des symptômes invalidants ou alors, ce ne serait que le premier étage. On est conscient que « qui nous sommes » ne se limite pas à notre ego, à notre personnalité et on accompagne aussi l’émergence d’autres niveaux, que j’appellerais les niveaux de l’être.
Ces vécus ou ces revécus ne sont pas identiques à des visualisations, des rêves éveillés. Ils nous mettent dans une expérience totale, un peu comme si vous compariez la vision d’un film de manière classique avec la vision en 3D, à laquelle vous ajoutez la sensation et le mouvement vécus dans le corps. C’est cela qui fait que ces séances sont parfois très impressionnantes et très radicales pour certaines personnes qui jamais n’auraient pu imaginer vivre autant de choses et aussi intenses et claires en une seule fois.
Bien sûr, chacun a son expérience et rien n’est programmé. Nous insistons beaucoup pour que chacun laisse programmes et attentes à la porte pour s’abandonner en toute confiance au processus intérieur.
3 – Cartographie de la psyché selon Grof
Grof fut un chercheur et un découvreur. Il a commencé ses travaux dans les années 50 en Tchécoslovaquie, en étant un des pionniers du travail de recherche avec le LSD, dans un contexte thérapeutique et même psychiatrique. Le protocole utilisé pendant les séances thérapeutiques avec le LSD s’est élaboré au fur et à mesure (nous n’entrerons pas dans le détail ici). Idem avec la Respiration Holotropique et si les deux protocoles présentent des différences, les résultats vont dans le même sens.
Et je l’ai déjà dit, ce processus nous met en contact avec des mémoires très profondes et enfouies et notamment tout ce qui concerne notre vie d’embryon, de fœtus et notre naissance.
Grof a décrit cette dimension de la psyché à travers le concept des Matrices Périnatales Fondamentales, ou M.P.F. Cette découverte s’est appuyée sur une expérience clinique conséquente, sur l’analyse de plus de 2500 comptes-rendus par les patients et par les thérapeutes de séances en état modifié de conscience.
Dans le processus de gestation et de naissance, il a repéré quatre étapes bien distinctes qui ont une tonalité, une couleur particulière et qui sont liées à un registre émotionnel spécifique. Ce sont ces quatre étapes que l’on appelle les matrices périnatales. Chacune d’elles correspond donc à un moment particulier du processus biologique de la naissance, avec un contenu émotionnel et psychosomatique propre, mais ces matrices fonctionnent également comme des principes organisateurs des autres plans de l’inconscient. C’est à dire qu’elles sont tout autant en correspondance avec des événements de la vie biographique de l’individu qu’avec des archétypes ou des images liées aux royaumes transpersonnels.
Nous allons décrire ces quatre matrices et associer leurs points de repère biologiques à leur fonctionnement psychodynamique, notamment en termes d’expériences émotionnelles et symboliques.
La M.P.F. I correspond à la plus grande partie de la vie intra-utérine, à l’ensemble de la période de la grossesse. Le fœtus – dans des conditions normales – est en symbiose parfaite, idéale et idyllique avec sa mère. Ses besoins sont satisfaits sans aucun effort. Il est dans une totale dépendance. Au niveau émotionnel, la M.P.F. I correspond à un état de paix, de sérénité, de sécurité, et même de béatitude. C’est là que le sentiment d’extase océanique prend sa source.
Cette étape se relie, au niveau archétypal, aux visions de paradis terrestre, au thème de la grande mère universelle nourricière, de l’union mystique, ici entre la mère et l’enfant.
Cette matrice peut également comporter des aspects négatifs, avec des menaces pour la vie de l’enfant, une sensation de danger latent et mal défini, par exemple liée à une menace d’avortement ou un risque de fausse-couche. Dans les cas où des traumatismes ont eu lieu, les symboles évoqués sont ceux de monstres menaçants, de cours d’eau pollués et repoussants (s’il y a eu intoxication alimentaire ou médicamenteuse de la mère par exemple), d’atmosphère de contamination, d’inhospitalité de la matière.
La M.P.F. II correspond à la première phase clinique de l’accouchement. Le travail commence d’abord avec des sécrétions hormonales spécifiques qui vont déclencher les contractions. Puis ces contractions vont se rapprocher, s’intensifier et, ce faisant, le monde paisible et idéal du fœtus bascule dans l’horreur, confronté à une souffrance physique et émotionnelle intense. Poussé vers la sortie, il bute sur le col de l’utérus encore fermé. C’est l’expérience de l’enfermement, du « sans issue », de l’étouffement, de la suffocation, de l’angoisse totale, tout cela sans que le fœtus puisse comprendre ce qui se passe : c’est l’absurde, le cauchemar, le non-sens. L’angoisse est terrible, mais son origine n’est pas identifiable. Les claustrophobies et les sentiments de solitude, de désespoir, de néant, d’impuissance totale sont des registres émotionnels expérimentés avec cette matrice numéro II.
Elle revêt une importance tout à fait particulière en psychothérapie, car nombre des difficultés et des souffrances sont en lien avec l’expérience traumatisante de cette étape. L’individu, sous l’influence de cette matrice, va avoir tendance à interpréter son environnement d’une manière paranoïde en projetant à l’extérieur de lui ce qui le menace et notamment cette pression qui s’exerce sur lui sans aucune échappatoire possible.
Sur le plan symbolique et archétypal, il est plongé dans la nuit noire de l’âme, dans la vision d’un monde absurde, dans le néant comme seule réalité ou dans un enfermement où il se sent abandonné pour l’éternité. C’est la solitude métaphysique, la chute des anges, l’errance et l’enfer.
La M.P.F. III, plus courte dans sa phase clinique, correspond au moment du passage dans la filière pelvi-génitale. Les contractions se suivent, s’intensifient mais le col s’est enfin dilaté ; le fœtus mène une lutte acharnée – contre et avec sa mère – pour sa survie. Il reçoit des pressions très fortes et il étouffe, mais, là, il peut enfin se battre pour quelque chose, il y a un enjeu, il y a une issue. C’est une expérience intense, électrique, explosive, volcanique, qui, dans sa dynamique émotionnelle, renvoie à toutes les situations où la vie de l’individu est mise en danger de façon violente. C’est le début du combat à la fois antagoniste et initiatique mort/renaissance.
Dans cet espace expérientiel, se côtoient des vécus apparemment aussi distincts que l’agressivité, les pulsions d’autodestruction, la douleur physique intense, une certaine forme de sexualité et la spiritualité. On retrouve dans la symbolique de cette troisième matrice quatre aspects que Grof appelle «titanesques» : un déferlement de forces énormes, un aspect plutôt sado-masochiste lié à l’ambivalence du combat contre et avec la mère, une dimension sexuelle très importante et un aspect plus scatologique. Dans la première matrice, c’était une extase océanique, là, c’est l’extase volcanique qui apparaît comme quelque chose d’extrême situé à la frontière entre angoisse, douleur intense, et plaisir.
Dans sa composante transpersonnelle, cette matrice nous renvoie aux combats mythiques et mythologiques des héros et demi-dieux, aux rituels sanglants et aux sacrifices animaux ou humains de certaines religions, ainsi qu’à tous les cataclysmes où la nature se déchaîne, comme les tremblements de terre, les éruptions volcaniques, les cyclones, les tsunamis et autres typhons…
La M.P.F. IV, correspond à la phase ultime de l’accouchement : l’expulsion, la naissance. C’est là la véritable expérience de mort/renaissance. C’est le point culminant de la souffrance. L’intensification de la douleur fait place de façon soudaine à une sensation de soulagement et de relaxation extrêmement profonde. C’est l’arrivée dans la vie, dans le monde des hommes. Et avant que l’enfant ne commence véritablement sa vie en tant qu’être autonome, avant qu’il ne vive l’accueil (plus ou moins bon) dans ce monde, il expérimente la victoire du combat décrit précédemment. Au lieu de l’issue fatale, de l’anéantissement préfiguré, il rencontre une libération totale, un lâcher-prise inimaginable qui s’associe à des sentiments de bien-être, de gratitude, d’amour universel. Le monde est beau, bon, tout est transfiguré.
Sur le plan symbolique, c’est l’expérience de la mort de l’ego : imminence d’une catastrophe gigantesque, sorte d’annihilation à tous les niveaux de l’être, basculement complet de toutes les idées, échec émotionnel, humiliation morale, effondrement des valeurs. Et soudain, l’individu est libéré de son fardeau de culpabilité, d’agressivité et de souffrance. C’est le renouveau après le cataclysme car au moment précis où le fond est touché, tout se transforme : visions de lumière, amour universel et inconditionnel, gratitude profonde. C’est l’expérience du salut, de la rédemption, des images archétypales du Christ en gloire, des déités rayonnantes. Cette quatrième matrice, plus encore que les autres, peut ainsi ouvrir sur des expériences transpersonnelles. Dans un processus thérapeutique, c’est un passage inoubliable, une ouverture tellement libératrice que la personne en est transformée. Quelque chose de radical a changé, son regard est plein de lumière et un sourire détendu et plein d’amour flotte sur son visage.
Ces matrices périnatales fondamentales ont donc une composante biologique et biographique, et peuvent être revécues de façon très réaliste et très concrète, et une composante symbolique, et dans ce cas elles seront abordées par le biais des images, scènes et symboles auxquelles elles sont associées.[2]
On ne peut séparer ce concept des matrices périnatales de celui des systèmes COEX ou systèmes d’expériences condensées. Un système COEX participe au fondement de notre organisation psychique dans la mesure où il regroupe un ensemble de souvenirs, d’événements ou de fantasmes de différentes périodes de la vie d’un individu condensés autour d’un même thème. Ces systèmes fonctionnent un peu comme des poupées russes, sur la base d’une première empreinte qui en est l’élément central, originel, en général à très forte charge émotionnelle. Cette empreinte prend sa source dans les évènements de la petite enfance, voire de la naissance ou même encore avant dans la vie intra-utérine ou des expériences de vies antérieures. Ensuite, si elle est renforcée, réactivée par des événements (réels ou fantasmés) de même nature thématique et émotionnelle, le système va se construire par couches successives pour devenir une composante importante de la personnalité. On trouve des systèmes COEX positifs (par exemple : confiance en soi et dans la vie) et d’autres négatifs (complexes, sentiment d’infériorité, d’impuissance, impression récurrente de ne pas avoir sa place ….).
4 – Emergence des processus de naissance
En fait, quand on pratique la Respiration Holotropique, on ne cherche pas à vivre ou revivre quelque événement que ce soit, on n’aborde pas la séance avec un programme. Ce serait contraire à cette idée du lâcher-prise, à la disponibilité requise pour que cette incursion dans l’inconscient soit véritablement bénéfique et porteuse de guérison.
Mais il se trouve que ces expériences périnatales sont fréquentes et même pour des personnes novices dans ce processus holotropique et même parfois dans l’aventure de la psychothérapie.
Alors pourquoi et comment ?
Je vais risquer quelques éléments de réponse :
- 1) Utiliser des techniques qui modifient l’état de conscience donne accès à des couches profondes de l’inconscient, et en particulier à des expériences non accessibles spontanément à la conscience mais inscrites dans la mémoire du corps. Et la naissance, la gestation et la conception font partie de ces expériences.
- 2) Il y a tellement d’énergie bloquée en nous concernant la naissance que lorsque la mobilisation énergétique est suffisamment forte, et que la personne est disponible, cela émerge assez facilement.
- 3) Il faut signaler que ces épisodes ne se produisent pas toujours dans un ordre chronologique. Il s’agit plutôt d’un processus suivant sa propre dynamique et sa « logique ». On peut donc « revivre » une certaine phase du processus de naissance ou une étape de la grossesse, sans nécessairement que ce vécu aboutisse à l’expulsion et donc au début de la vie incarnée. Si une étape liée à des blocages spécifiques avec une tonalité énergético-émotionnelle se manifeste, il se peut que l’expérience s’arrête à cette phase-là, ce jour-là, parce que c’est cela que la personne a besoin de régler à ce moment-là ou qu’elle est prête à rencontrer.
- 4) Dans le titre de cette intervention, j’ai évoqué « naitre ou renaitre ». On parle couramment de revécus de naissance. Evidemment, personne ne se souvient consciemment de sa naissance mais ça ne veut pas dire qu’elle n’a pas laissé de traces profondes dans notre unité somato-psychique. Et il est arrivé de nombreuses fois que des événements significatifs et non connus des personnes aient été confirmés ensuite par leur mère ou quelqu’un qui avait des informations sur leur naissance. Un détail – qui n’en est pas un, en fait – et que j’ai souvent constaté, c’est que les mères, lorsqu’elles sont interrogées, vont parler de leur accouchement et pas vraiment de la naissance de leur enfant. L’histoire vue des deux côtés n’est pas exactement la même.
5 – Quelques exemples et témoignages
Regardons quelques exemples, quelques témoignages.
Paul témoigne, suite à une expérience Aquanima (Respiration Holotropique en piscine à 37°), où il rencontre l’énergie symbolique de la troisième matrice qui débouche sur un espace émotionnel et énergétique d’une toute autre nature, typique de la quatrième matrice.
« Porté par l’eau et la musique, petit à petit, mon corps se tortille de tout son long… Je suis maintenu par mes accompagnants, mais le rythme augmente, les mouvements deviennent de plus en plus violents, les cris apparaissent. Des renforts sont absolument nécessaires et je sens l’envie de me débattre qui devient totale et incontrôlée. Je me retrouve entouré, contenu, avec les sangles aux pieds.[3] J’en profite alors pour évacuer au mieux toute cette violence. J’ai l’impression d’avoir une force inouïe voire infinie ! Je m’aperçois que les cris de plus en plus forts expriment une immense colère qui vient des profondeurs et à l’origine inconnue. Sans le vouloir et quasiment « sans effort », je déploie une force dans les jambes à la limite de résistance des accompagnants. Et pourtant je continue car je sens cet épisode plein et entier. Je découvre la colère, une vraie colère, imprimée au fin fond des entrailles, qui s’évacue maintenant. La séquence atteint son paroxysme lorsqu’après une dernière « poussée », le corps reste entièrement tendu sur tout son long avec les bras en croix. L’image de Jésus me vient alors, mais sans croix. J’ai l’impression d’être porté nu au-dessus de l’eau, le corps étiré au maximum. Le vide laissé par la colère tout juste expulsée se comble alors en une fraction de seconde par une énergie intense pleine de lumière et d’amour venue du ciel. Je ne sais dire combien de temps je reste immobile à profiter de ce « rechargement ». C’est comme si le temps n’existe pas ou est infini. »
Delphine après une expérience de Respiration Holotropique.
« Tout à coup, le poids qui me bloquait le bassin a explosé comme une bombe et tout mon corps s’est mis à trembler, à s’agiter dans tous les sens, comme si une force incroyable voulait me propulser quelque part. J’étais emportée par une vague déferlante qui partait de l’intérieur, de mon ventre, de mon centre et je sentais aussi des pressions tout autour de moi. C’est à ce moment je crois, que des personnes que je ne savais pas identifier sont venues m’entourer, me caler et me bloquer tout autour. Ca a décuplé l’énergie tourbillonnante qui voulait sortir de moi. Je me suis mise à crier, à hurler, je voulais me débattre, sortir de cet emprisonnement. Un instant de panique, de terreur. « Que puis-je faire ? Je n’y arriverai jamais. » Et d’un seul coup, à nouveau cette énergie nucléaire, irrémédiable, qui m’a guidée vers la « sortie ». Je sentais que l’emprisonnement des autres (j’ai appris après qu’ils étaient six à me contenir) par leur apparent empêchement me provoquait et me permettait de mobiliser cette force incroyable que je ne me connaissais pas. J’étais en sueur, je criais toujours et je savais que j’allais sortir victorieuse de ce combat pour la vie. Au bout d’un temps infini ou de quelques minutes, je ne peux pas le dire, j’ai eu le sentiment de déboucher de l’autre côté, de me libérer de cet enserrement et d’arriver dans un espace de paix, d’accueil si doux… Tant d’amour autour de moi, d’accueil. J’étais dans les bras de Christiane et je sentais son cœur battre doucement, elle me berçait, me caressait le visage et mes larmes coulaient, me lavaient le corps et le cœur. Tout cet amour, cette attention, cette prévenance pour moi ! Jamais de ma vie, je n’ai reçu autant de sollicitude. Alors, je suis restée sans rien faire pendant un temps infini, totalement épuisée, vidée, le mal de tête du début envolé, le corps libre et le cœur plein de gratitude pour mon accompagnatrice, les thérapeutes et assistants qui m’avaient assistée dans cette épreuve et pour mes parents qui, dans leur maladresse à aimer, n’ont pas su me donner cet accueil-là. Mais pour eux, mon cœur s’est dilaté dans la compassion et le pardon. J’étais totalement en paix. Tout était parfait. Je n’avais besoin de rien d‘autre. Dans la musique qui passait alors, une voix de femme très chaude et recueillie chantait pour moi. C’était un ange, envoyé par Dieu pour couronner mon entrée dans la vie.
J’ai compris après que cette expérience de naissance m’a offert une opportunité de renaissance à un niveau de plus de conscience et d’amour. »
6 – Impact des expériences de naissance
Dans ma pratique de thérapeute, au fil des années, l’impact de ces expériences est évident. Il y a deux aspects, l’un qui tient au fait de la modification de la conscience, l’autre à l’expérience de naissance proprement dite :
- 1) Tout d’abord, le bénéfice des expériences en EEC, quelque soit la nature du vécu rencontré. Ces expériences permettent une libération émotionnelle, une ouverture du champ de conscience qui s’inscrit dans la psyché de la personne concernée, ouverture du champ des possibles, ouverture à l’autre, aux autres non pas comme un concept intellectuel mais sur le mode du ressenti. C’est une inscription à la fois psychique et corporelle.
- 2) Nous avons parlé plus tôt des systèmes COEX qui sont à la base de notre construction psychique. Si des traumatismes ou des difficultés sont apparus au moment de notre naissance, ils peuvent constituer le noyau d’un système COEX problématique. Par ces expériences en EEC, on va pouvoir désactiver un système COEX négatif, par exemple, et inscrire une autre réalité à la place. Ce rite de passage, qui nous fait passer par un processus de mort-renaissance symbolique, permet de redonner vie à des parties de nous qui étaient comme gelées et même totalement inconnues, inconscientes. Ces expériences remettent en mouvement l’énergie contenue dans cette rétention qui a aussi participé à un mécanisme de survie.
- 3) Ensuite, pour ce qui concerne le domaine du périnatal, c’est comme je l’ai dit plus haut, une énorme quantité d’énergie qui est libérée et donc disponible pour, tout simplement, vivre sa vie.
La nouvelle empreinte de l’expérience réparatrice amène souvent un élan vital, un mouvement intérieur mais aussi vers l’extérieur qui remet la personne dans un cycle de vie. L’image de soi en est souvent transformée, la relation aux parents est abordée sous un nouvel angle car en EEC, il est très courant de vivre l’expérience du point de vue des deux parties simultanément. Par exemple, vivre sa naissance et ressentir l’expérience de la mère ou du père ou du personnel médical présent, tout à la fois. L’EEC ouvre une perméabilité qui permet parfois d’embrasser l’expérience comme un hologramme, c’est une conscience délocalisée.
- 4) Et à un autre niveau, c’est aussi une façon pour chacun de nous de réhabiter son histoire, de se réapproprier son parcours de vie en intégrant de façon beaucoup plus consciente ses origines et ses tous premiers pas dans son processus d’incarnation.
- 5) En libérant cette énergie qui immobilise une partie de nous dans le passé de façon totalement inconsciente, cela nous permet de vivre plus pleinement le moment présent, qui est, en fait, notre seule réalité. Moins de fixation dans le passé, donc plus grande capacité à s’inscrire dans le présent.
- 6) Ce rite de passage, qui nous fait passer par un processus mort-renaissance symbolique, permet de redonner vie à des parties de nous qui étaient comme gelées et même totalement inconnues, inconscientes. Ces expériences remettent en mouvement l’énergie contenue dans cette rétention qui a aussi participé à un mécanisme de survie.
- 7) Notre naissance est une empreinte symbolique pour tous les passages que nous aurons à vivre dans notre vie. C’est un rite de passage de mort/renaissance. Connaissez-vous cette petite histoire qui a circulé sur internet ? Il s‘agit d’un homme qui observe un papillon en train d’émerger avec beaucoup de difficultés de sa chrysalide. Emu, il vient l’aider très délicatement en facilitant l’ouverture, permettant ainsi au papillon d’émerger plus vite et plus facilement. Mais il se trouve qu’ensuite le papillon ne réussira jamais à voler car le processus qui permet à ses ailes d’avoir la force de voler n’a pas pu s’accomplir correctement du fait de cette aide qui finalement n’a pas été si positive que cela. Nous ne sommes pas des papillons et sans doute ne doit-on pas comparer ce qui ne l’est pas. Il n’empêche que cette anecdote peut nous amener à réfléchir au sens positif de cette épreuve qu’est la naissance pour le petit de l’homme.Si l’amélioration des conditions de la mise au monde a encore de grands progrès à faire, le « travail » que représente ce passage et que nous avons à effectuer est un marquage pour notre vie entière.
C’est une opportunité de « renaître » à un autre plan de conscience, une étape dans le processus de croissance.
« Dans Le Mythe de la naissance du héros, Otto Rank affirme que nous sommes des héros de naissance puisque nous subissons une métamorphose physique et psychologique fabuleuse pour passer de notre état de créature aquatique baignant dans l’univers amniotique, à celui de mammifère qui respire et qui marche en se tenant debout sur ses pieds. C’est une transformation extraordinaire qui, si elle était entreprise consciemment, équivaudrait en vérité à un acte d’héroïsme. »[4]
- 8) Et enfin, je parle de renaissance également parce que cette expérience permet aussi parfois de vivre ce qu’on n’a pas pu accomplir lors de sa naissance biologique et offre une naissance symbolique qui donne le morceau manquant du puzzle. L’exemple le plus fréquent en est la césarienne.
Il est important de préciser que parfois ce processus est radical, une seule expérience produit un changement très significatif mais le plus souvent, quelque soit la puissance de l’expérience rencontrée, c’est un chemin à parcourir qui demande de l’engagement et de la persévérance. En fait, des outils comme la RH sont des aides substantielles pour toutes les autres formes de psychothérapie.La naissance est un moment sacré et il est très regrettable que tout ce qui concerne la naissance ait été colonisé par le monde médical, un monde très masculin dans sa manière de prendre les choses en main sans beaucoup de prise en compte de la dimension du mystère qui se rejoue à chaque mise au monde. Pour cette raison, tout ce qui concourt à mettre de l’humain, du féminin, du réceptif, de l’accueil doit être soutenu et tous les vécus qui émergent dans ces expériences de Respiration Holotropique le soulignent.
[1] Voir définition et présentation de la Respiration Holotropique en annexe
[2] De nombreuses descriptions des expériences de ces différentes matrices sont présentes dans plusieurs ouvrages dont : B.Blin et B.Chavas, Guérir l’ego, révéler l’être – Trédaniel 2009 – et dans P.Baudin, La Respiration Holotropique – Ed Médicis 2009 – Voir également les livres de S Grof.
[4] Joseph Campbell, Puissance du mythe – éditions Oxus 2009
MERCI